« Au fond de son âme, elle attendait un événement…Chaque matin, au réveil, elle l’espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s’étonnait qu’il ne vînt pas ; puis, au coucher du soleil, toujours plus triste, désirait être au lendemain. »
Ainsi, est décrite par Gustave Flaubert, une Madame Bovary déprimée et fantasque, que rien n’intéresse dans l’existence et qui ne parvient pas à se lever le matin.
Le lever est le baromètre de notre amour de la vie. Dans l’univers, le jour qui lentement apparaît, puis le soleil qui triomphalement se lève, communiquent leur lumière et leur puissante énergie à tous les vivants. De même, au son du réveil qui sonne, l’homme qui a eu la chance de dormir et de refaire ses forces, s’éveille une nouvelle fois à l’existence. S’il n’est pas victime d’un grave manque de sommeil ou d’un tempérament dépressif, ses yeux s’ouvrent, sa main cherche la lumière, et la dynamique de la journée se met en route. Que l’emploi du temps soit bien défini ou bien qu’il faille l’élaborer chaque matin, le chemin de la journée lui apparaît et l’énergie pour y marcher ne lui manque pas. Charles Péguy l’écrivait :
« Tout ce qui commence a une vertu…
Une force, une nouveauté, une fraîcheur comme l’aube.
Une jeunesse, une ardeur, une naïveté, une naissance »
Chaque heure de la journée, même dans nos cultures urbaines, apporte son cadeau spécifique. Le matin, lui, offre une force qui communique l’élan du départ. A chacun d’accueillir en lui cette charge de nouveauté sans la flétrir par des sentiments pessimistes ou désabusés.
A tous ceux qui aiment leur vie, la radio apporte quelques nouvelles de la planète, qui permettent de se retrouver en communion avec la foule humaine. La toilette, la douche, aident à sortir de l’endormissement. Le café – le thé – éveillent bouche, tube digestif et estomac. Nombreux sont ceux qui se déplient et s’étirent en quelques mouvements, pour que le corps entier retrouve le goût de l’activité. Peut-être la maisonnée s’agite-t-elle aussi : tout commence, tout recommence.
Et pourquoi ne pas réserver alors quelques minutes à la vie spirituelle afin d’appuyer la journée sur les profondeurs de l’intériorité ? S’asseoir pour une méditation silencieuse, lire lentement un texte sacré, par exemple un des psaumes du matin proposés par la Bible (psaumes22, 62, 64, 84, 91, 107, 148). Autant de pratiques qui communiquent un surcroît de sens au jour qui commence. Raison pour laquelle chaque communauté religieuse, à ce moment décisif, se rassemble pour la louange. Il s’agit d’évacuer le sommeil et les phantasmes de la nuit, d’accueillir dans l’action de grâces la vie nouvelle qui est donnée par l’Eternel, et de retourner vers son Auteur l’élan vital communiqué par Lui :
« O Dieu, mon Dieu, c’est Toi que je cherche dès l’aurore
Mon âme a soif deToi ! »
(Psaume 62)
Fr. Benoît Billot février 2008